La conjoncture économique mondiale a jeté son ombre sur le marché immobilier d’entreprise en France, se manifestant par des fluctuations notables des investissements. Les coûts de financement en hausse liés aux soubresauts des taux directeurs des banques centrales ont en effet généré une prudence accrue et imposée chez les investisseurs. Une retenue qui s’est traduite par une baisse de -57 % des investissements au cours de l’année écoulée.
Ces dernières années, le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise (bureaux, commerces, locaux d’activités, entrepôts) a été significativement heurté par différents phénomènes. Parmi eux, l’émergence, en 2022, du nouveau cycle économique caractérisé par la hausse des taux d’intérêt et le durcissement des conditions d’octroi de crédits. Un contexte particulier aux conséquences sans commune mesure avec les années précédentes : en 2023, le marché a en effet enregistré une chute des investissements équivalente à 11,6 milliards d’euros. Le rebond de la croissance française enregistrée au second semestre de +0,5 % — au-delà des attentes et des données de l’Insee — aurait pu avoir un impact positif sur l’immobilier d’entreprise. Mais la reprise ne s’est pas illustrée de manière uniforme dans tous les secteurs. À l’image du chiffre négatif du T3 de l’économie française à -0,1 %. Preuve en est, les chiffres nationaux qui n’ont eu de cesse de décliner tout au long de l’année. Et la tendance s’est également reflétée dans le marché d’immobilier d’entreprise en région, comme en Île-de-France, où les investissements ont péniblement atteint 6,8 milliards d’euros, soit un repli de -56 % sur un an.
Une baisse significative des transactions et un bilan au T3 en deçà de la période Covid
Totalisant 8,8 milliards d’euros, les montants investis en France en 2023 enregistraient une diminution de -54 % par rapport à la moyenne quinquennale. Une baisse corrélée majoritairement à la diminution du nombre de transactions : avec 471 transactions recensées en 2023, dont seulement 101 au troisième trimestre, le bilan de l’année écoulée est moins bon qu’en pleine crise sanitaire où les T2 et T3 2020 avaient enregistré respectivement 149 et 185 opérations. Des mauvais résultats contrastés qui s’expliquent par une pluralité de facteurs : une meilleure attractivité d’autres supports financiers d’investissements, un attentisme des acteurs immobiliers faisant initialement face à des chocs externes puis composant avec la lenteur d’adaptation inhérente à l’immobilier, une réduction du nombre d’acheteurs et des primes de risques immobilières loin d’être reconstituées malgré les efforts consentis par les vendeurs. Si les acquéreurs potentiels ont majoritairement répondu présents, de nombreux dossiers ont été retirés du marché pour cause de désalignement entre vendeurs et acheteurs sur les prix.
Enfin, le marché français a en outre subi la concurrence d’autres pays européens, tels que le Royaume-Uni, l’lrlande, la Suède ou encore les Pays-Bas qui, dès 2023, ont commencé à présenter des opportunités intéressantes, y compris pour les SCPI françaises en quête de diversification.
Un moindre choc pour les marchés de commerce et de bureau en région
Au sein des différentes classes d’actifs, le commerce a sensiblement mieux traversé l’année 2023, enregistrant au T3 une diminution de « seulement » 28 % par rapport à la moyenne quinquennale. Le marché des bureaux en région a également limité les effets néfastes du contexte économique mondial avec malgré tout -32 % de baisse. Toutefois, toutes les régions n’ont pas été logées à la même enseigne. Ainsi, en Île-de-France, le marché des bureaux a été freiné par la conjoncture morose et les stratégies d’optimisation des coûts et de réductions surfaciques de certains groupes. Néanmoins, le bon niveau d’activité du troisième trimestre a permis de rattraper une partie des mauvais résultats du 1er semestre 2023 : avec 484 000 m2 placés, le T3 a renoué avec des niveaux classiques de demande placée. Cette bonne dynamique a surtout été visible sur le segment des grandes transactions aux volumes supérieurs à 5 000 m2. En effet, les résultats sur le segment des petites et moyennes surfaces ont demeuré très hétérogènes, illustrant un marché des bureaux à plusieurs visages. Cependant, certains secteurs sont parvenus à se démarquer, enregistrant des niveaux de commercialisation satisfaisants, à l’instar de Levallois, Paris et La Défense, et ce malgré un taux de vacance élevé. Plusieurs phénomènes ont été à l’œuvre pour expliquer ces résultats sur le marché des bureaux francilien : une taille des transactions plus réduites sur le créneau des grands utilisateurs, mais une demande solide par ailleurs ; une recherche d’optimisation des coûts immobiliers ; sans oublier une plus grande sélectivité des utilisateurs quant à la localisation et la qualité intrinsèque de l’immeuble. En effet, depuis la mise en place du décret tertiaire, la performance environnementale influe fortement sur la valeur d’un bien. Et dans un marché parcouru par de nouveaux standards en la matière, les investisseurs sont de plus en plus attentifs dans la sélection des actifs à retravailler en vue de les adapter à ces exigences émergentes.
En revanche, sur le reste du territoire, les volumes enregistrés sont restés faibles.
Le secteur de la logistique également concerné par le repli
Avec une demande placée inférieure à la moyenne quinquennale, le marché de l’immobilier logistique a, lui aussi, accusé une baisse : -24 % par rapport à 2022. Là encore, une conséquence logique du refroidissement économique conjuguée à une pénurie d’offres dans une partie des pôles de l’Hexagone. Sur les neuf premiers mois de l’année, le ralentissement de l’activité a porté principalement sur le recul des transactions inférieures à 50 000 m2. Sur le plan géographique, les marchés historiques de la dorsale Lille/Paris/Lyon/Marseille n’ont par ailleurs représenté que 51 % des surfaces commercialisées. Quant au marché francilien, il s’est montré particulièrement atone, avec seulement 309 000 m2 placés au terme du troisième trimestre 2023, soit un recul de 59 % en comparaison de la moyenne quinquennale. Tirant son épingle du jeu, c’est la région lilloise qui est arrivée en tête des secteurs les plus actifs, avec 459 200 m2 transactés sur les neuf premiers mois de l’année, suivie par le Centre-Val de Loire.
2023, une année compliquée, mais qui ouvre la voie à des opportunités
Bien que l’année 2023 ait été marquée par des défis majeurs, elle a également ouvert la voie à des opportunités de repositionnement et d’innovation pour les investisseurs et les professionnels de l’immobilier. Ainsi, et plus que jamais, ces derniers doivent rester attentifs cette année aux tendances émergentes et aux évolutions du marché pour anticiper les prochaines étapes. La stabilisation des taux directeurs, la reconstitution de la prime immobilière et la baisse de 10 % en moyenne des valeurs d’expertise devraient concourir à de meilleurs résultats. Par ailleurs, l’enjeu de la performance environnementale, la question de la transition vers un modèle de travail hybride et l’essor de secteurs spécifiques tels que la logistique, ont le potentiel de redessiner le paysage de l’immobilier d’entreprise en 2024 et dans les années à venir.
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