Avec une dixième augmentation d’affilée des taux directeurs, la Banque centrale européenne serre la vis monétaire depuis juillet 2022. S’il devient de plus en plus sélectif, le marché immobilier est déjà et sera fortement chahuté mais nous pouvons gager que des opportunités seront à saisir en 2024.
L’économie française continue de résister à un climat économique difficile minée par une inflation mondiale. Nettement supérieure aux attentes, la croissance française au second semestre 2023 a rebondi de + 0,5 % selon l’Insee. Mécaniquement, le marché de l’immobilier français subit une forte baisse des investissements. S’il résiste, les performances demeurent hétérogènes. Au premier semestre 2023, les investissements en immobilier d’entreprise en Europe ont connu une chute de 57 % sur an pour atteindre 62,4 milliards d’euros. C’est le plus mauvais semestre depuis 2010. Cette chute des investissements s’explique par une augmentation des coûts de financement qui suivent le sillage de la remontée des taux directeurs et qui limitent de facto les liquidités disponibles et génère une forte augmentation des taux de rendement des actifs immobiliers.
À noter toutefois la bonne résistance des montants investis en bureaux, qui cumulent la moitié des engagements semestriels, et la part des produits de diversification — en particulier l’hôtellerie — qui demeure en constante augmentation.
Quid de la situation en France ? L’hexagone n’échappe pas à la règle et nous constatons une baisse très significative des volumes d’investissement qui avaient jusque-là mieux résisté qu’ailleurs. Les montants engagés ont atteint 7,8 milliards d’euros au premier semestre, soit un recul de 42 % par rapport au premier semestre 2022, et 3,2 milliards d’euros au deuxième trimestre, soit un recul de 58 % sur un an et une forte baisse sur le 3ème trimestre avec 2 millions d’euros investis avec un cumul à 8,7 milliards, pour un atterrissage à 11 milliards, soit environ 60 % de moins qu’en 2022. Freiné par de grandes transactions moins nombreuses — 9 au premier semestre 2023 contre 34 au premier semestre 2022, le volume d’investissement en 2023 est ainsi inférieur de 32 % à sa moyenne décennale.
Si les loyers neufs restent stables et si l’offre croît, elle se situe toutefois en dehors des attentes des professionnels qui espèrent, dans le futur, une offre qui réponde à une double demande de centralité et de performances environnementales.
Des différences notables entre les marchés locatif des bureaux et de la logistique
Sur le marché locatif des bureaux et le marché de la logistique, le ralentissement est incontestable. Toutefois plusieurs différences sont à noter entre résilience et net recul.
Le marché locatif des bureaux plus résilient qu’annoncé
Le marché locatif des bureaux a subi un recul de la demande placée de 21 % au premier semestre 2023 pour atteindre 3,6 millions de mètres carrés. À noter, des différences majeures entre Paris et les régions.
Dans un contexte d’incertitude, le marché de l’investissement francilien ne totalise que 5,5 milliards d’euros investis depuis le début de l’année, soit un net recul de 56 % sur un an. À Paris, ce recul est largement lié à la baisse de l’activité locative des sociétés dans les secteurs de la tech et de la communication. Bien que les grandes transactions se concentrent à 86 % dans Paris, la Défense et le Croissant Ouest (le secteur de Paris Sud concentre 36 % des engagements avec 16 transactions pour un montant total de plus de 1,4 milliard d’euros), elles demeurent contraintes par une offre modérée. Une offre immédiate de 4 633 000 m², dont 26 % dans le neuf, pourtant à la hausse, qui a bondi de 10 % en un an avec un taux de vacance moyen atteignant désormais les 8 %. Parallèlement, alors que les disponibilités de bureaux neufs reculent rapidement, le loyer moyen dans le neuf reste stable. Ce qui n’est pas le cas des loyers des bureaux de seconde main, en hausse de 3 %. Au global, 485 000 m² ont été commercialisés en Île-de-France au 3e trimestre, portant la demande placée depuis le début de l’année à 1 352 000 m². Ce volume, en recul de 12 % d’une année sur l’autre, est inférieur de 11 % à la moyenne décennale. Enfin, la phase de repricing se poursuit sur toutes les typologies d’actifs. Le taux prime atteint, à la fin du 3e trimestre, 4,00 %.
En région, les marchés se montrent plus résilients. Si le 1er trimestre 2023 a été timide, en recul de 15 % par rapport à 2022, le volume des opérations demeure 10 % supérieur à sa moyenne décennale. L’offre disponible demeure en hausse de 4 % sur les douze derniers mois et s’élève à 2,4 millions de mètres carrés. De son côté, la vacance est structurellement maîtrisée. Les commercialisations de bureaux neufs gardent le cap avec une légère baisse de -2 % sur un an. Néanmoins, si ce type de biens est plébiscité par les professionnels, il demeure peu disponible en région. Nous constatons donc une dichotomie entre les besoins des professionnels et l’offre disponible.
Bien sûr, le marché locatif régional français n’est pas complètement hétérogène. Aussi, il convient de remarquer que :
· Les marchés lyonnais et bordelais proposent un marché très pérenne ;
· Parallèlement à la remontée des taux directeurs, les taux de rendement prime sont en décompression généralisée en région. C’est particulièrement le cas à Lyon, Lille, Nantes et Bordeaux ;
· Des perspectives de croissance sont tout à fait probables sur les marchés les moins offreurs de bureaux qualitatifs à l’image de Toulouse ou de Nantes ;
· Des marchés plus modestes tirent leur épingle du jeu comme à Rouen où la demande placée a augmenté de 150 %.
Un net recul du marché logistique en 2023
Du côté du marché logistique, le recul des prix est davantage marqué avec une correction sensible en 2023. Nous constatons d’abord un net ralentissement de la demande placée au second semestre avec moins de 600 000 m² commercialisés. Si l’offre a progressé de 17 % sur un an, le taux de vacance de 3,7 % seulement freine les commercialisations et illustre la persistance des contraintes qui pèsent sur les utilisateurs.
De plus, les loyers prime demeurent toujours orientés à la hausse au second semestre 2023 et suivent la tendance amorcée fin 2020 avec des progressions enregistrées dans les principaux hubs logistiques de la dorsale (axe Paris, Lyon et Marseille), avec +18 % à Paris, +29 % à Marseille et +30 % à Lyon.
Si les investissements industriels et logistiques ont chuté, des perspectives de redémarrage apparaissent. En effet, après un premier trimestre 2023 peu animé, et malgré un taux d’intérêt et d’inflation continue, les investisseurs expriment des marques d’intérêt. Les investisseurs Core restent concentrés sur le secteur historique de la Dorsale quand les investisseurs plus exposés évaluent l’ensemble du territoire français.
En 2024, de nouvelles opportunités et des prix décotés
S’il est difficile de se projeter avec certitude du fait du contexte mouvant et fortement baissier, les acteurs espère éviter un effondrement du marché, les conjonctures économiques continuant de tabler sur une croissance du PIB français. Les analystes espèrent ainsi un atterrissage des taux français au second semestre 2024. Conjugué à une décote des prix des biens immobiliers, le marché pourrait alors proposer de nombreuses opportunités.
Sur les immeubles Core et Value-add, où les prix auront le plus nettement baissé, des opportunités seront à saisir pour acquérir des actifs localisés en centre-ville avec des négociations plus aisées pour les investisseurs en fonds propres face à des investisseurs contraints de vendre. Il s’agira aussi de bénéficier de la croissance de loyers porteuse pour les actifs de qualité supérieure. Il conviendra de cibler les produits immobiliers tertiaires et les marchés où les prix auront le plus été corrigés — en particulier la logistique en Allemagne, aux Pays-Bas et en France. L’occasion aussi le moment venu de diversifier ses produits avec le résidentiel géré ou bien encore l’hôtellerie.
Par ailleurs, le marché des bureaux pourrait profiter d’un redémarrage des investissements dès 2024. En effet, des corrections de prix liées à la remontée des taux de rendement immobiliers pour les meilleurs bureaux parisiens sont attendues. L’orientation à la hausse des loyers prime devrait limiter le recul des prix.
Dans un marché parcouru par de nouveaux standards, notamment environnementaux, il sera enfin intéressant de sélectionner les actifs à retravailler en vue de les adapter à ces exigences. En effet, depuis 24 mois et la mise en place du décret tertiaire, la performance environnementale influe fortement sur la valeur d’un bien. Un bien obsolète sera difficilement vendable, au mieux décoté.
En définitive, en 2024, il faut donc s’attendre après une forte chute à un rééquilibrage du marché tertiaire autour de deux axes : la qualité environnementale des bâtiments et sa position géographique proche ou éloignée des centres-villes et des moyens de transport.
partager sur